Arthur Auboeuf, construire une communauté par l'authenticité et l'implication de ses clients

Team for the Planet (ex Time for the Planet) a construit en quelques années une communauté ultra engagée pour faire bouger les citoyens et les entreprises face à l'urgence climatique. Ce mois-ci, ils se lancent un défi inédit : mobiliser 10 millions d'euros en 1 mois auprès de 10 000 entreprises. Alors on a voulu savoir les coulisses de ce projet avec Arthur Auboeuf, l'un de ses cofondateurs, et comprendre les bonnes pratiques pour fidéliser une communauté pour la bonne cause.

D’abord, pour une raison simple, on a été attaqué dès le début par une petite société d’Orléans qui s'appelait Time to Planet. Ils ont perdu plusieurs fois puis ont continué jusqu’au tribunal de commerce à Lyon en référé, réussissant à nous condamner à changer de marque. On aurait pu continuer à relancer et faire appel mais on en avait marre : ils n’ont pas touché les 2 millions d’euros demandés et nous n’avons pas pu utiliser ce nom pour faire de la communication digitale… Là on s’est alors dit que ça allait être compliqué ! (rires) Mais on avait déjà réalisé à quel point la puissance de TFTP résidait principalement dans sa communauté - trouver des innovations, les sélectionner, trouver des talents, obtenir des rdv avec des politiques, etc. donc finalement Team est plus cohérent.

La première chose à retenir, je pense, ce n'est pas de jouer avec des codes promo ou des ads, mais bien de se connecter avec des humains. Même à l'ère des écrans, il faut créer une connexion réelle, être empathique et authentique.

Chez Team for the Planet (TFTP), la clé de notre communauté super engagée, c'est qu'ils voient qu'on y met notre cœur et notre âme, avec une transparence absolue. Ils ont un accès aux coulisses de Team, aux comptes bancaires, aux Assemblées Générales, ils savent que nos salaires sont capés. Ils ont le plus haut niveau de transparence et de confiance car la structure de TFTP est pensée de cette façon. Cela crée une confiance solide et fertile pour qu'ils se disent : "Ok, on va s'engager avec eux."

La deuxième chose c’est qu’on est tous au service d’une mission qui nous dépasse qui est d’accélérer la lutte contre le dérèglement climatique, c’est un enjeu hyper fort pour lequel les gens ont envie de se mobiliser. Les petites actions à échelle individuelle ne suffisent pas toujours, ils ont envie de s’engager… C'est là que notre rôle prend tout son sens. Notre mission c'est d'aider les gens à avoir un impact à une échelle plus systémique, on leur fournit une solution pour s'engager simplement.

Le troisième et dernier ingrédient, c'est qu'on a pensé toutes les mécaniques de TFTP pour que nos membres deviennent des ambassadeurs simplement. On n'a pas de budget marketing mais on a dit à chaque personne : "Cette aventure n’existera et aura un impact que si vous vous engagez avec nous et devenez ambassadeur." On comprend que les gens n'ont pas beaucoup de temps, et ne savent peut-être pas comment faire un post sur Linkedin alors notre objectif c’est de leur simplifier ! On leur mâche le travail avec des images, des textes, des contenus et des tutoriels leur expliquant comment faire un post, pourquoi c'est important, les résultats déjà obtenus, etc. On leur explique à quel point on a besoin d'eux, à quel point leur contribution est cruciale !

Si j'avais un conseil pour les ONG, ce serait de ne pas penser que dès qu'on a reçu de l'argent de partenaires, on doit les laisser tranquilles. Au contraire ! On sait, et ça a été prouvé, que c'est après avoir donné de l'argent qu'ils sont prêts à s'investir davantage. Une fois qu'ils ont franchi ce cap financier, ils sont capables de faire beaucoup plus et sont encore plus motivés à devenir des ambassadeurs.

Malheureusement, c’est rarement les ONG qui sont fortes pour faire ça. Elles peinent à rivaliser en termes de visibilité, faute de moyens marketing et d'un nombre limité de bénévoles… C'est là le défi majeur de la transition écologique : jusqu'à présent, on adopte une démarche sacrificielle, à long terme, cela ne semble pas être la solution. Mais on risque d’avoir du mal à sortir de cette situation car ceux qui financent les ONG et les associations sont les citoyens, les entreprises ou les pouvoirs publics, qui contribuent avec des modèles économiques contradictoires à ceux des associations.

Les entreprises, bien qu'elles financent les associations, le font souvent avec une vision opposée à la leur. Elles tentent de masquer les méfaits de leurs activités, mais cela ne résoudra pas le problème fondamental ! Les dons des citoyens proviennent de salaires issus des modèles d'entreprise souvent peu vertueux, ce qui revient presque au même. Quant aux pouvoirs publics, leur financement provient des impôts, donc indirectement des salaires et des entreprises.

Il est crucial de ne pas rester prisonnier de la dynamique traditionnelle des associations, où l'absence d'un modèle économique viable rend dépendant du monde des entreprises. À mon avis, il faut s’inspirer des entreprises excellentes dans la création de communautés, même si ce sont parfois les pires…. Par exemple, Nike a su construire une image de super héros plutôt que de simplement vendre des chaussures. Ils évoquent rarement le produit, mais plutôt des légendes sportives, nous faisant croire qu’acheter leurs chaussures nous rapproche des athlètes…

Les meilleures marques ne vendent pas seulement un produit, mais un idéal auquel les gens aspirent. Nous c’est ce qu’on vend : la possibilité d’amplifier son pouvoir d'action, de synchroniser ses efforts collectivement pour devenir véritablement puissants. C’est ça qui donne de l’énergie !

Alors, déjà, il faut qu'on survive ! Vu que le monde économique n'a pas encore vraiment pris le relais des citoyens, cela ne suffit pas pour supporter tout ce qu'on veut mettre en place. Donc, on veut tenter d’aller chercher les entreprises.

L'idée, c'est un peu comme créer la "mafia du climat" et capitaliser sur le réseau des actionnaires. On va créer une grande plateforme où les associés pourront partager leurs contacts mobilisant ainsi toutes nos forces ! Bien sûr, on respectera le RGPD, on sollicitera nos associés pour les mises en contact. Voilà, l'idée, c'est de jouer collectif pour aller encore plus loin et avoir un impact encore plus fort.

Non, c’est impossible. Actuellement, on est dans le non-lucratif, où nos investisseurs ne retirent aucun profit financier, et d’ailleurs au début, personne n’y croyait. On n'a pas levé énormément, mais on a eu le pouvoir des citoyens : sans sa communauté, TFTP n’a aucune chance de réussir sa mission. Ou bien, on aurait dû adopter un modèle plus classique, jouer le jeu d'un fonds traditionnel, respecter les règles du monde économique habituel.

Aujourd’hui, avec 25 millions d’euros, on arrive à faire tourner des entreprises et à trouver des pépites mais c’est aussi grâce à notre communauté. Par exemple, on compte 8 000 évaluateurs bénévoles qui nous aident à présélectionner les dossiers d'innovation que l'on reçoit. On en a reçu 1600, et sans eux, ça serait impossible à gérer. Après leur travail, on a un comité scientifique, mais ils nous facilitent grandement la tâche en notant les dossiers selon 6 critères.
Concrètement, il y a une dizaine d'exemples comme ça. Donc, TFTP n'aurait aucune chance d'exister et de réussir sa mission sans ce collectif derrière nous.

Être authentique, selon moi, c'est être aligné et en phase avec ton ADN, ta véritable essence, ce qui t’anime au quotidien. Tu ne peux pas construire un château sur un marécage. Il faut choisir un terrain solide avec lequel tu es aligné pour bâtir des fondations. Peu importe les obstacles et même si personne ne te suivait, que tu n’avais aucun client, tu le ferais quand même parce que c’est ce qui te passionne profondément, c’est ça être authentique !

C’est dur de trouver cet alignement, ça demande du temps mais ça donne une énergie et une authenticité que personne d’autre n’a. C’est cette passion et cet alignement avec la mission qui vous dit que c’est là qu’il faut que vous soyez et qui vous donne l’énergie pour y arriver. Par exemple, fonder une entreprise simplement parce que le marché semble porteur ne fonctionnera pas. D’ailleurs Steve Jobs le dit, monter une entreprise est extrêmement difficile, et si ce n'est pas la mission de votre vie, il conseillait de ne pas s'y aventurer.

En effet, le 1er décembre, on se lance dans notre plus grand défi à ce jour avec TFTP. L'idée est de rassembler 10 000 entreprises pour former la plus grande coalition d'entreprises en faveur du climat à l'échelle mondiale et de lever 10 millions d'euros en un mois. Notre ambition est de doubler l'impact positif de TFTP en passant à 20 entreprises déployées !

Toute la philosophie derrière c’est de dire qu’il est crucial aussi que les entreprises sont prêtes à s'unir pour agir en faveur du climat. Finalement, les entreprises ont un peu les mêmes problèmes que les citoyens… elles opèrent souvent seules, elles peuvent réduire leur empreinte carbone de manière limitée, mais la décarbonation complète dépend d’un contexte plus global. Notre démarche vise à encourager la décarbonation à l'échelle systémique. Même si ce n'est pas forcément un gros investissement, ça montre que quand chacun fait sa part tu peux avancer d’un grand pas au final. Certes, ça va être très dur et on ne sait pas si on va réussir mais on essaye !

Notre mission c’est de contribuer à l’atteinte de la neutralité carbone à l'échelle mondiale. Pour faire ça, on veut déployer 100 entreprises qui permettront de solutionner une des grosses problématiques de condition écologique en open source. On veut se donner une chance de décarboner. On aura réussi quand on aura atteint 100 boîtes, mais on espère avant, en 2030.