" Au vu du dossier médical, cette mission paraissait sans problème particulier. J’ai décollé le 24 octobre, pour me rendre à Bangui, afin d’aller chercher le petit Michaël, nécessitant une opération du cœur, qui s’est avérée plus urgente que prévu.
Après avoir rassuré les parents et le jeune patient, nous embarquons tous les deux pour un voyage de près de 10 heures en direction de Paris CDG. Dans l'avion et pendant le décollage et atterrissage, Michaël est calme mais je le mets sous oxygène par précaution. Je regarde son abdomen pour observer une respiration de plus en plus faible. Tout va vite. Analyse d'une situation qui s'annonce complexe. Je reste concentré, calme et discret.
J'appelle alors une hôtesse et lui explique à voix basse la situation. Elle me regarde, un peu désorientée. Je lui souris et lui prends le bras, je lui demande de faire un appel afin qu'un médecin puisse intervenir.
Un passager - médecin - arrive très rapidement. Je lui explique la situation ainsi que les données prises sur mon téléphone. A sa demande, nous allons nous isoler dans un compartiment vide de passagers.
Nous installons Michaël sur des couvertures et oreillers afin qu’il soit le plus confortable possible. Nous arrivons à le garder hydraté et à le changer à plusieurs reprises, mais il ne pleure toujours pas.
Je respecte les consignes du médecin sur les fréquences d'oxygénation et sans oxygénation (évite les risques de lésions cérébrales). Je me rassure comme je peux, je lui mets l'oxymètre toutes les 5mn voire toutes les 3mn...La saturation est maintenue entre 64 et 67% et les bpm sont à 100.
L'ambiance se détend, bénévole, médecin, équipage... Malgré tout, je vois sur l'écran du plan de vol la distance qu’il nous reste à parcourir ; nous avons à peine fait la moitié.
Je suis debout avec le bout de chou pendant quasi tout le vol : je lui parle doucement, lui caresse la tête, joue avec ses doigts. Je mets le masque, je retire le masque, je regarde sa saturation, ses bpm... Le médecin trouve Michaël apaisé.
Nous faisons face à une deuxième alerte au-dessus du Magreb : Michaël ne tient plus l'oxygène même sous bouteille et ses bpm s'accélèrent. Le Commandant de Bord commence à envisager un déroutement de l’avion afin de sauver l’enfant. Cependant, la pathologie de l’enfant nécessite une intervention que seuls certains hôpitaux peuvent réaliser. Certains enfants accompagnés par Aviation Sans Frontières viennent du Maghreb. Nous devons donc continuer jusqu’à Paris, pour ne prendre aucun risque en termes de destination.
Michaël ne tient plus l'oxygène et il se met à pleurer voire hurler. Son abdomen bouge beaucoup. Il va chercher son oxygène très loin. Quelques membres de l'équipage présents sont de plus en plus bouleversés. Deux hôtesses, présentent à mes côtés, pleurent. Malgré tout, la situation est très bien gérée : l’équipage, les passagers, l’équipe d’Aviation Sans Frontières… On se parle beaucoup.
L’atterrissage est imminent. Le SMUR a été informé de la situation et s’apprête à prendre en charge le petit garçon. Je suis fatigué, mais serein : Michaël est désormais entre de bonnes mains. Ce petit garçon, alors condamné dans son pays, va bénéficier d’une deuxième chance et pouvoir bientôt retrouver ses proches, en pleine santé."