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Céline Boudiere - On ne markette par les relations humaines comme on markette n’importe quel produit
Céline Boudiere est Global CMO Europe d’une entreprise que l’on connait tous : Meetic. Elle pilote cinq marques du groupe en Europe. Forte d'une expérience en grande consommation et chez des pure players, elle allie stratégie de marque et performance business. Avec audace et innovation, elle aborde les enjeux du marketing relationnel, l'adaptation culturelle et la création de connexions authentiques entre célibataires.
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.Pouvez-vous vous présenter brièvement ainsi que votre parcours ?
J’ai une culture de la marque et du client très forte. J’ai démarré et grandi dans l’univers de la grande consommation (Yoplait, Harrys, Bel, etc.). Il y a 10 ans j’ai fait un saut dans le monde des pure players avec une culture très différente (ROIste, culture data, analytique, etc.). Mon rôle est de construire des marques sur du long terme mais aussi de délivrer du business chaque jour sur du court terme. Depuis 5 ans, je suis CMO de Meetic et pilote les 5 marques du groupe sur une vingtaine de pays en Europe.
Quel a été le fil rouge de ces différentes expériences ?
Je me suis concentrée sur les grandes transformations.
Chez Photobox, mon premier vrai rôle chez un pure player, j’ai transformé l’offre produits pour aller de l’appareil photo aux photos sur smartphone. Chez Les Furets, j’ai accompagné la création de nouvelles verticales (énergie, crédit, santé, etc…). Chez Meetic, à mon arrivée, il y avait évidemment la marque iconique, mais il était important d’ouvrir de nouveaux horizons. On est donc allés chercher plusieurs nouvelles audiences (parents célibataires, 50+, etc…).
Chez Photobox, mon premier vrai rôle chez un pure player, j’ai transformé l’offre produits pour aller de l’appareil photo aux photos sur smartphone. Chez Les Furets, j’ai accompagné la création de nouvelles verticales (énergie, crédit, santé, etc…). Chez Meetic, à mon arrivée, il y avait évidemment la marque iconique, mais il était important d’ouvrir de nouveaux horizons. On est donc allés chercher plusieurs nouvelles audiences (parents célibataires, 50+, etc…).
Quelle est la raison d’être de Meetic et ses engagements ?
C’est simple. Notre volonté est de créer chaque jour des histoires d’amour. On a un produit tech mais in fine, notre mission c’est l’humain, on est le champion de la LoveTech. En Europe, on a déjà contribué à la création de plus de 8 millions de couples. Pourtant, ce n’était pas gagné. À l’époque, le dating ne passait pas par des sites et applications. Il a fallu que l’on démocratise le sujet. Aujourd’hui, un couple sur deux se rencontre en ligne.
Meetic est connu mais ce que certains ne savent pas c’est que la marque englobe en fait 3 marques aux publics différents. Pourriez-vous nous en dire plus ? Quelles sont vos cibles et propositions de valeur ?
On passe beaucoup de temps à écouter les célibataires. Cela nous permet de mieux comprendre leurs attentes et d’aller explorer beaucoup de choses. Nous avons aujourd’hui trois audiences distinctes. La cible historique de
Meetic
, qui s’adresse aux célibataires qui cherchent de vraies rencontres. En parallèle, on a constaté qu’il y avait 9 millions de célibataires de plus de 50 ans en France et pourtant… Aucune application dédiée. Or, nous n’avons pas les mêmes envies et besoins à 50 ans qu’à 30 ans. En 2017, nous avons donc lancé Disons demain (pour les 50+ ans). Enfin, nos études ont également montré que les parents célibataires avaient des attentes spécifiques (connaître le nombre d’enfants, l’âge, les jours de garde, etc.). Les familles monoparentales représentent un foyer sur trois. L’idée était donc de leur proposer quelque chose d’adapté. En 2023, on a lancé Even
, une plateforme de rencontre qui leur permet d’être transparente et à l’aise pour partager leur situation sans se faire “ghoster”. Lorsqu’en interview on vous demande de décrire l’approche marketing de Meetic en un mot, vous répondez souvent l’audace. Pourriez-vous nous en dire plus ?
Pour moi, l’audace fait partie intégrante du marketing. Elle est essentielle pour construire des marques fortes et emblématiques. La marque Meetic a plus de 20 ans. Or, il n’y a pas beaucoup de marques qui sont toujours dans le top des marques préférées après autant de temps.
L’innovation en termes d’audience a été une des clés, mais pas que. La technologie a aussi été un levier important. Nous avons adapté nos produits aux nouveaux usages de la société : vidéo, audio, etc. Et cela fonctionne. Nous organisons par exemple tous les dimanches soirs, un live speed dating où les gens se connectent simultanément. Ils ont 7 minutes pour échanger et décider s’ils poursuivent ou non. À chaque rendez-vous, c’est plus de 20 000 personnes connectées. L’audace passe aussi par les partenariats, les évènements, les choix de campagnes. Nous avons par exemple été une des premières marques à mettre en avant un couple de femmes avant le journal de 20h.
Le COVID a-t-il été un frein ou un accélérateur pour votre marque ?
Le COVID nous a poussé à accélérer dans le développement de certaines options. Le lien humain était perdu. Meetic a joué un rôle important. C’était un vrai besoin pour les célibataires de continuer à échanger, connecter. On a eu des pics de connexions, d’échanges de messages. C’est là qu’on a lancé le vidéo call de manière sécurisée. Une fonctionnalité que l’on a conservée depuis. C’est aussi là qu’on a démarré l’audio. Enfin, c’est aussi à cette période que l’on a exploré d’autres moyens d’aller s’ancrer dans le quotidien, avec notamment le podcast
Amour et confinement
. Ce format était encore peu répandu. Finalement, cela a été un carton puisque c’est devenu le premier podcast de marque en France avec + de 300 000 écoutes. Meetic semble avoir développé une véritable expertise quant à la connaissance de son audience. Qu’avez-vous mis en place pour maîtriser ce point (outils, KPI, etc.) ?
En effet, on est très expert sur la partie analytique. On a un business exigeant. Pour les célibataires, l’objectif n’est pas de rester sur l’application, au contraire. Cela implique que notre churn est très important. On doit être capables de mesurer à l’euro près ce que l’on dépense pour pouvoir recruter et aller toucher de nouveaux célibataires.
Nous procédons en 3 étapes. La première est d’avoir une structure claire des dépenses (par pays, par marque, par touchpoint, etc.). La deuxième étape est d’internaliser un maximum la partie analytique (pour les médias online - on a un reporting quotidien, pour les médias offline - on a créé un outil interne qui nous permet de suivre les performances quasi instantanément). Cela nous permet d’ajuster en temps réel nos campagnes. Enfin, le dernier point est celui de l’optimisation des touchpoint (partenariat, brand, influence, etc.). Afin d’analyser la performance, je m’appuie sur les outils de nos partenaires (Media Mix Modeling ou MMM, brand lift survey, etc…) et sur des KPI de marque plus fins. Ces KPIs sont souvent sur un temps plus long : il faut être clair sur les items de marque que l’on a envie de faire bouger afin de lire les évolutions.
Vous avez récemment fait un partenariat avec le Printemps en organisant des événements pour célibataires au sein de plusieurs magasins en France. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette opération ? Et les résultats ?
Le pont entre le digital et la vraie vie, c’est notre ADN. Depuis la création de Meetic, nous avons organisé plus de 12 000 événements entre célibataires. Comme tout autre sujet, l’expérience se réinvente. Il y a un an, j’ai opéré un ajustement pour transformer cette expérience d’évènement dans la vraie vie en faisant des partenariats avec des marques lifestyle qui elles aussi ont besoin de créer une expérience en magasin. On a le savoir-faire de la rencontre, elles ont des lieux exceptionnels pour créer un moment mémorable pour nos célibataires. Grâce à cette approche, on a dépoussiéré l’image du speed dating. Par exemple, depuis le 14 février dernier, nous organisons un speed dating tous les mois au bar perché du printemps Haussmann. C’est le jeudi, pendant 2h. Les convives ont 7 minutes pour échanger. Parfois, cela débouche sur une rencontre amoureuse, d’autres fois, c’est simplement l’occasion de nouer des liens, d'échanger, de créer des amitiés.
Avez-vous pensé à décliner vos outils pour des rencontres amicales ?
On est justement en train de tester pour Disons demain, les rencontres plus amicales. On se rend compte que pour les 50+ ans, c’est important de leur proposer de se rencontrer, pas forcément uniquement dans l’objectif de trouver un partenaire de vie. Nous en sommes au début mais les premiers résultats sont prometteurs.
Vous avez dit récemment que votre interlocuteur du quotidien était le CFO de Meetic. Pouvez-vous nous en dire plus ? Comment faites-vous collaborer ces deux pôles pour servir les enjeux business ?
Pour être bon marketeur et être garant d’une stratégie d’investissement dans la durée, il est obligatoire de former une équipe avec le CFO. L’enjeu est de bien collaborer et d’avoir un langage commun. Chez Meetic, nos équipes sont sur le même plateau. Nous échangeons aussi bien en réunion que de manière informelle. Cela permet de faciliter les échanges et d’initier rapidement les changements.
Marc Foissey
(CFO de Meetic) est intégré à tous nos comités marketing mensuels. C’est là que l’on pitch les projets et investissements futurs, ce que l’on va faire, ce que l’on attend, les résultats des campagnes achevées. Meetic est présent dans plus de 20 pays. Comment faites-vous pour adapter le marketing localement ? Pour vous adapter à la culture du pays ?
Chez Meetic, nous sommes 250 pour couvrir l’Europe. Pour être efficace, je crois beaucoup à l’importance d’avoir des shared services. L’idée ? Avoir une approche globale et mutualiser les solutions (tech, produit, finance, achat média, etc.). J’ai ensuite une équipe Go to market, avec des responsables pour chaque pays ou zone, qui sont physiquement tous à Paris. Leur rôle est d’adapter la stratégie marketing et les campagnes à la culture de chaque pays. Ils sont les garants de quatre volets clés: le média plan (choix budgétaires par média), l’influence en local, les partenariats et les évènements dans la vraie vie.
Comment Meetic s'assure-t-il que ses clients reviennent sur la plateforme (jusqu'à ce qu'ils fassent la bonne rencontre) ?
Nous devons rester en top of mind. Aujourd’hui, peu de gens cherchent le terme sites de rencontres sur Google. lls tapent directement le nom d’une marque qu’ils connaissent. On crée des campagnes de notoriété forte. En parallèle on travaille en continu à l’amélioration de notre produit avec un axe fort sur des connexions plus authentiques avec des profils enrichis où chaque célibataire peut révéler sa personnalité au delà de sa photo de profil (questions ouvertes, voix, vidéo, bio…). Notre parti pris : trouver des opportunités d’échanges plus nombreux entre célibataires pour favoriser les connexions.
Quelles actions prenez-vous pour renforcer le lien émotionnel avec vos utilisateurs ?
Avec ces profils enrichis, on renforce la possibilité de créer un lien émotionnel. Aujourd'hui, la voix compte par exemple beaucoup. Quand un célibataire laisse une note audio sur son profil on peut constater jusqu’à 20% d’activité en plus sur son profil en termes de visites et de messages. On essaye aussi de faire en sorte que les personnes se livrent de différentes manières (des questions que l’on change régulièrement, etc.). Ce sont des icebreakers. On ne cherche pas à rencontrer quelqu’un comme on cherche un appartement ou un job. Dans une vraie rencontre, tout n’est pas parfait, il faut ces petits détails qui vont créer la connexion, l’alchimie. A nous d’aider les célibataires à les révéler pour donner envie de poursuivre dans la vraie vie.
Quel est le projet que vous rêvez de déployer avec Meetic dans les mois ou années à venir ?
Il y en a un que j’ai envie de faire grandir. C’est pour moi celui qui va permettre à Meetic de répondre de manière encore plus pertinente aux besoins des célibataires. On a lancé il y a un mois le
dating lab
. C’est le premier observatoire de la rencontre en France. Pour ce projet, on s’est entourés de 6 experts sur des compétences variées (philosophe, neurobiologiste, psychologue, spécialiste du genre, etc…). Ils nous aident à anticiper les évolutions des relations au sens large, des relations amoureuses. On a d’ailleurs fait une étude avec les mêmes questions il y a 10 ans et aujourd’hui. L’objectif était de voir comment les choses avaient évolué (les tendances du dating, l’impact de l’IA, l'évolution de la sexualité, etc…). C’est un projet passionnant qui va nous permettre d’enrichir l’ensemble de l’expérience Meetic (du produit au digital en passant par la vraie vie) pour continuer à rester la marque de référence des rencontres authentiques. Cela nous a d’ailleurs servi pour les insights de notre nouvelle campagne.Quel serait le/la prochain.e Décideur.se marketing que vous aimeriez voir témoigner dans No Bullshit ? Et la marque qui vous inspire le plus ?
J’ai vu naître la marque Bonsoirs. Avec
Nicolas Morschl
, le fondateur, nous avons travaillé longtemps ensemble chez Photobox. Évidemment, à cette époque, il gardait ce projet un peu secret. Je suis impressionnée par le chemin parcouru. Il a réussi à créer une marque qui s'inscrit dans le quotidien des gens, un projet ambitieux, des produits de qualité, des boutiques qui se multiplient. J’adore échanger sur sa vie d’entrepreneur et ses multiples facettes!